3 au 21 mai 2011 - Médiathèque George Sand - Palaiseau
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Témoignage d'Olivier Berger, ancien élève de Blaise - 2025
A Orsay, une exposition des sculptures aériennes de Blaise
Lors des Journées du Patrimoine 2025, les amateurs d’art ont pu se rendre à La Crypte d’Orsay pour découvrir les œuvres de Blaise, artiste palaisien de longue date. De son vrai nom Jean Vire, ex-professeur d’arts plastiques en collège de l’Education nationale, ce sculpteur a exercé dans plusieurs communes, dont Gif-sur-Yvette et Palaiseau, entre lesquelles sa carrière a fait une étape de quelques années au Maroc. Il exposait, dans le cadre du Circuit des Arts, aux côtés de l’artiste orcéenne Laurence Mallart, travaillant avec finesse la porcelaine.
Amateur de formes et de couleurs, jouant avec les matériaux, les textures et les techniques, Blaise aime faire des compositions asymétriques ou géométriques, sur la dualité, sur le clair/obscur, sur deux aspects qui sont complémentaires tout en étant différents. Pour lui, une sculpture sans couleur n’en est pas une, ainsi que l’arbre dépourvu de ses feuilles.
Un collègue chercheur de Gif lui ayant fait découvrir les secrets de l’oxydation des métaux, c’est vers cette technique qu’il s’est tourné. Pourtant, à s’y méprendre, on pourrait penser que ses couleurs viennent de la peinture. Elles résultent en réalité de l’action de l’acide nitrique ou de l’ammoniaque réagissant sur les métaux, comme le cuivre, le laiton ou le maillechort. Des matériaux qui eurent leurs lettres de noblesse en dehors de leurs usages industriels.
Nourri de culture artistique classique (en témoigne son original Saint-Sébastien réinterprété), Blaise la marie avec des matériaux naturels récupérés au fil de sorties à la campagne, qui lui procurent du bois flotté, des bois brûlés voire foudroyés ou des écorces, dont l’épaisseur trahit l’âge de l’arbre, lequel survit à travers l’intervention de l’artiste. Les plaques de fer peuvent venir de couvercles de barils ou de chutes de métaux travaillés par l’industrie. On dirait que le cuivre, le laiton ou le maillechort ont la préférence de Blaise. Par ses récupérations, Blaise sauve de la disparition ces éléments pour leur donner une autre vie inattendue. Car la patine et les traces d’usures sont des preuves de la vie-même.
Le talent associé à des outils simples de gravure et de sculpture fait le reste. Du métal brossé, frotté ou gratté, voire vernis, il se dégage des variations riches dignes de l’art du vitrail Art déco, quand le jeu avec les textures donnait des compositions surprenantes de créativité.
Quant au résultat, il est étonnant. Les verts et les bleus entremêlés, d’une pureté profonde, ou colorés de différentes nuances, font penser à des sculptures représentant des vues de la Terre prises depuis le ciel ou plutôt depuis l’espace, comme si l’artiste jouait avec les échelles. Elles sont telles des variantes à l’infini d’une représentation de notre monde uni vu de haut, formant un tout, rappelant l’unité du genre humain, habitant la même maison, voguant sur le même bateau. Que dire du rendu des couleurs ? Il rapproche la composition des pierres précieuses : turquoise, tourmaline, malachite, saphir, émeraude, jade, avec toutes leurs nuances. Les teintes des masques incas ou aztèques seraient une lointaine inspiration des sculptures colorées de Blaise. Une influence des toiles de Klimt semble perceptible.
En fait, ses œuvres sont des sculptures aériennes. Elles volent ou elles flottent, sans support sinon un pied discret, elles sont animées tout en étant immobiles. A distance, elles donnent une impression de voyager dans l’univers et de regarder au loin notre monde, la Terre, avec ses continents dispersés dans les océans, avec ses couches nuageuses qui donnent des touches cassant l’uniformité du bleu et du vert. Selon l’angle de vue et la distance, elles ne se laissent pas découvrir du premier coup d’œil. Il faut s’en approcher, en faire le tour, afin qu’elles se révèlent pour ce qu’elles sont. Leurs formes et leurs couleurs ont un rapport avec la céramique chère à de nombreuses cultures de l’Occident et de l’Orient. Juxtaposer des matériaux opposés semble aller de soi : la Terre est faite d’un tout venu de différents éléments. Et comment mieux cerner notre planète autrement que du ciel, en avion ?
Les formes et couleurs ne sont pas sans rappeler le design des années 1970 : les décorations de halls d’immeubles d’habitation, d’entreprises, de mairies, d’usines, de bureaux, de paquebots ou les salles de séjour d’appartements modernes, auraient pu avoir, déjà, des sculptures de Blaise. Elles sont compatibles avec la monumentalité d’un hall d’aéroport comme elles tiennent en petite taille sur une table de bureau. Elles se marient bien avec les espaces des tours de La Défense. Elles sont en concordance avec les rondeurs du Concorde, avec les lignes fuselées de la Citroën CX ou avec la forme en goutte d’eau de sa petite sœur la Citroën GS. Elles sont faites pour tenir en l’air toutes seules. Oui, ce sont des sculptures aériennes. Qui aiment les formes féminines tout en rondeur. De telles œuvres complètent le dépouillement austère de l’architecture moderne qu’elles égayent quand elles trônent devant des murs blancs. Elles peuvent se placer partout dans un appartement ou une maison, sans pièce de prédilection. Par leur simplicité, ces sculptures se combinent et permettent des variations infinies à l’image de l’observation de la sphère tellurique, qui n’a ni centre ni limites. Fer et bois sont une véritable alliance de la nature et de l’industrie, composantes de notre monde réel. Idéalement, une sculpture de Blaise s’élèverait au centre d’une place d’un quartier, ou d’une pièce circulaire, afin de permettre au spectateur d’en faire le tour. Blaise aurait pu accompagner le travail des architectes d’intérieur avec ses sculptures, dont les collections publiques en possèdent : à la mairie de Palaiseau, à la mairie de Gif et en Ardèche.
On peut les découvrir ou les revoir à l’occasion de futures expositions de l’artiste, qui se partage entre le Hurepoix et l’Ardèche où sont ses racines, région dans laquelle se poursuivent ses activités. Palaiseau avait déjà offert un écrin de taille à Blaise en 2011 : les espaces de la médiathèque Georges Sand où ont défilé de nombreux artistes avant et après lui, dans la ville du sculpteur Jean Cattant, auteur de la médaille de Palaiseau en 1972. Il ne manquera pas d’expliquer sa démarche, par le bon contact qu’il entretient avec son public, en tant qu’ancien professeur ayant fait toucher à ses élèves toutes les techniques possibles, en tenant toujours compte, pour leurs productions, de l’idée et de l’exécution. Cet artiste profond comme ses œuvres a encore des choses à dire après un cheminement riche de plus de quarante ans. Et de nombreuses rencontres.


